Sur les traces des voyageurs romantiques.

La croisière sur le Nil se rêve et se prépare.

Même si vous optez pour le circuit organisé, ayez en mémoire les témoignages écrits ou visuels des écrivains et peintres qui furent au siècle dernier les pionniers du tourisme culturel et partez avec un peu de nostalgie romantique. Dans cet esprit, voici huits thèmes de découverte pour orienter votre voyage.

Grande vue du Nil en Basse-Egypte - 1831 - Prosper Marilhat.Peinture de Prosper Marilhat : Aprés l'expédition en Egypte, en 1831, Il retourne en France sur le navire le "Sphinx", qui remorque l'obélisque de Louxor.

Pour faire "Le voyage en Egypte", je me suis d'abord imprégné des peintres, photographes et écrivains qui, partis au XIXème siècle sur ces rives, en épousèrent la distance et le temps. Ces "avant-coureurs" accordèrent autant de place à la curiosité qu'à l'émerveillement tout au long du Nil. Serpentin immuable où presque rien, au regard des siècles, n'a changé depuis que le baron Dominique Vivant Denon, initiateur de l'égyptologie, a débarqué sur ses bords en compagnie de Bonaparte. "Nulle part, disait-il, je n'avais été environné de tant d'objets propres à exalter mon imagination".

Sphinx of Giza - Dominique Vivant Denon

L'important est de savoir flâner.

Les lithographies admirables de David Roberts, peintre écossais du milieu du XIXème siècle, sont autant de témoins lumineux et fidèles de la rencontre alchimique du sable, du vent et des ruines mordorées par le soleil couchant. Je suis de ceux qui pensent que la flânerie est une qualité rare car elle permet le vagabondage de l'esprit et la création de ses propres mirages intérieurs.

Le temple de Ramsès II

Et l'Egypte incite à la torpeur à qui sait attendre et voir, comme faisait Gustave Flaubert qui s'enorgueillissait de mener une vie de fainéantise et de rêvasserie:"Avec nos bâtons de palmier et nos songeries, nous remuons toute cette poussière. Nous regardons à travers les brèches des temples le ciel qui cassepète de bleu." Le Nil, source de vie éternelle, reste pour moi un mystère de la nature. Comme si un aquarelliste bienveillant avait un jour tracé au pinceau une route bleue et verte sur fond d'ocre jaune pour égayer le paysage."Je l'ai sans cesse trouvé grand, pacifique et superbe, affirmait Maxime Du Camp, l'écrivain voyageur ami de Flaubert, et j'ai toujours envié le sort de ceux qui sont nés sur ses rives que j'irai voir encore. On cherche les sources du Nil, on ne les découvrira jamais;je crois comme les Arabes qu'il descend directement du paradis."

Francis Frith 1856-1859 - Le temple de Louxor.En 1857, le britannique Francis Frith, fixait sur plaques de verres les images des temples, premiers témoignages photographiques sur l'architecture pharaonique.

C'est en me replongeant dans ces lectures et en revoyant les photos de Francis Frith (prises entre 1856 et 1859) que j'ai compris ce que le mot "émotion" avait de sensuel et de définitif. Et J'ai, tout comme Théophile Gautier, des "nostalgies d'Egypte" quand je n'y suis plus, pour contempler comme lui cette main de fellah qui presse la terre "pour faire jaillir de cette brune mamelle le lait de fécondité". Un voyage en Egypte exige de la patience, du recueillement et une grande dose de curiosité. Les sortilèges que ce pays exhale n'en seront que plus vivaces dans le souvenir. "C'est une file de chameaux qui dessinent sur le ciel et nous donnent le plaisir de penser qu'ils avencent plus lentement que nous, c'est un petit village qui se montre au détour du fleuve, c'est un couvent copte dans le solitude, ce sont quelques barques qui descendent ou remontent le Nil..." note l'historien Jean-Jacques Ampère.

La Vallée du Nil - Temple de Sethi Ier (Thèbes, Gournah) Eugène Fromen

Grand vue sur le Nil - Eugene Fromentin - 1875

Une rue au Caire Prosper Marilhat - 1831

Ciel gris-rose et senteurs orientales

Pays unique, carrefour de tant de civilisations prestigieuses, l'Egypte, où passé et présent se mêlent sans heurt ni tromperie, est en perpétuel mouvement. C'est pourquoi l'apport de ces voyageurs fous d'images et de sensations rest primordial à mes yeux. Eugène Fromentin est un de ceux-là. Une palette d'une grande originalité, sublimée par la qualité de l'écrivain, fait de ses souvenirs d'Orient mon livre de chevet privilégié. Combien de fois me suis-je laissé glisser dans le rêve de ses descriptions si imagées pour ensuite vérifier, sur place, toute la valeur narrative et picturale:"Le Nil devient bleu, moiré de rousseurs très tendres. La lumière qui envahit l'espace est inexprimable. C'est admirable et accablant. Quatre heures et demie. le Nil est comme de l'huile, bleu, blanc, d'une pâleur exquise; la base du ciel, gris-rose (au nord-ouest). Le plus beau ciel asiatique que nous ayons vu."

Sous la plume des pionniers.

Gustave FaubertEscales aimées des artistes.

Etapes de sept grands du voyage romantique. Esna fut pour Flaubert le rendez-vous de ses amours égyptiennes.

Maxime Du CampFrancis Frith


Eugène FromentinCarte des romantiques.

J'aime l'Egypte parce que mes yeux remplis de nuances parfois presques invisibles, mes narines pleines de senteurs orientales et mes oreilles exercées au frémissement du vent ont été initiés par ces maîtres de la beauté. Lorsqu'on quitte ces rives à regret, la tête repue de souvenirs, un seul mot fuse à travers l'esprit : revenir.

Jean-Claude Simoën - Géo n°163 - Septembre 1992.

Jean Cocteau l'Egyptien

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Commentaires

  • Noura
    • 1. Noura Le 20/10/2012
    Il est dommage qu'aujourd'hui le tourisme ne s'impregne presque plus que des photos montrees dans les catalogues des voyagistes. Pourtant, si la plupart des touristes accordait un peu de temps aux peintures, gravures, photos anciennes et poemes dont on parle si bien dans l'article ci-dessus avant d'entamer leur voyage ils bombarderaient les sites (meme les tombeaux!) seulement apres avoir admire la splendeur qui leur est offerte et non plus a peine descendus de leur moyen de transport. Le tourisme sentimental et intelligent est-il encore un minimum existant.

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