La triste fin du village de Gournah de la rive Ouest de Louxor.

La nécropole de la Thèbes antique, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, est située sur la rive ouest de Louxor. Elle s’étend sur plusieurs sites, notamment les temples des millions d’années, la vallée des rois, la vallée des reines, la vallée des artisans et la vallée des nobles. Elle comprend des centaines de tombes datant, pour la plupart de 1500 – 1200 av. J.C.. Les tombes des nobles du Nouvel Empire se trouvent sur – ou plutôt devrions-nous dire sous ? - le village actuel de Gournah, composé de différents hameaux qui occupent plusieurs collines. Afin de préserver ces tombes le conseil suprême des antiquités a décidé de raser le village : cet endroit extraordinaire est en train d’être anéanti par les bull dozer. Comment peut-on laisser disparaître un tel site ? Certaines maisons ont près de 200 ans, elles sont le témoignage d’un habitat vernaculaire, elles sont le lieu de vie de familles, elles donnent des couleurs à la montagne thébaine tout en s’y intégrant merveilleusement, elles abritent des destins, des hommes et des histoires fabuleuses.

Il y a à Gournah plus de 400 tombes déjà répertoriées (on n’en visite qu’une quinzaine) : pourquoi ne pas déjà étudier ce patrimoine ? Aujourd’hui sera, demain le passé ... Mais l’histoire d’il y a 3000 ans ne pèse visiblement pas le même poids que l’histoire deux fois centenaires …  Comme le dit si bien un égyptologue né dans une tombe à gournah : au Caire, les habitants ont envahi la cité des morts, à gournah on va redonner aux morts d’il y a 3000 ou 4000 ans l’espace des vivants d’aujourd’hui ... Nous aimons les tombes, nous aimons les temples, nous aimons la statuaire égyptienne, mais nous aimons aussi le sourire et les habits fluos des petites filles de gournah, les poupées de chiffon qu’elles essaient de nous vendre. Nous aimons ces couleurs de bleu, de vert d’eau, de terracota que revêtent ces maisons. Nous aimons les peintures naïves semblables à des dessins d’enfants, celles qui retracent le hadj, les avions au ventre trop lourd et les paquebots à la ligne de flottaison incertaine, ... Nous aimons ces hommes dont le vent gonfle les galabiehs, qui ne demandent qu’à vous aider, qu’à vous faire aimer leur village. Nous aimons ces femmes vêtues de noir. Nous aimons ces enfants qui mènent leurs ânes chercher de l’eau. Nous aimons la famille abdel rassoul qui habite ici dans sa grande maison blanche et bleue, dans la ligne droite de la colonnade du ramasseum, et sans laquelle les momies de 50 pharaons, dont celle de ramses II, n’auraient jamais été trouvées ...

Gournah est un patrimoine, culturel, humain, un site unique, qui doit être sauvegardé. Gournah a souvent été décrit comme le plus beau village d’égypte : de nombreux livres, films, documentaires y ont été consacrés et les guides de voyage soulignent son charme si particulier… Ce charme qui réside dans l’authenticité, dans cette étroite symbiose entre les temps anciens et le présent, entre les tombes et les vivants … Aujourd’hui, et depuis décembre 2006, les maisons tombent sous les coups des caterpillar : les murs de boue séchée se délitent dans une poussière jaunâtre … Les gournaouis écrasés par la tristesse regardent s’effondrer leur passé. Certains ne veulent pas rejoindre le nouveau village planté dans le désert : ils n’ont vécu que là dans ces maisons aérées, où les fenêtres n’ouvraient sur rien que le ciel bleu et la montagne rose-ocre...

Alors, ils nous demandent de faire des photos pour se souvenir … Alors, ils nous demandent de réagir, de faire quelque chose, leurs voix pèsent si peu ... Nous aimons l’esprit des gens de Gournah qui se rassemblent lorsqu’un malheur touche une famille, ces tentes de tissu coloré qui sont montées lors d’un deuil. Aujourd’hui, alors qu’ils s’apprêtent à perdre leur village, nous sommes à leurs côtés car s’ils le perdent, "nous" perdons aussi le nôtre... "Nous" les touristes "durables", les habitués, qui venons souvent et depuis longtemps et qui avons fait de Gournah notre seconde patrie. Avril 2009 gournah : le compte à rebours final.

De sheikh abdel gournah, il ne reste quasiment rien... Nobi me disait "je ne sais même plus dire où était ma maison"

La colline est immensément triste, avec parfois des monceaux de gravats entremêlés de fils de fer …

Une maison à demi-écroulée attend une fin proche, même l’âne n’y croît plus et la jarre a déjà accepté d’être abandonnée …

Et puis le guest house du sennefer a été détruit aussi : les escaliers du restaurant mènent désormais à des ruines …

Il reste quand même quelques bancs, une tente de fortune pour les couvrir, le snake et son fils hamdi se relaient encore comme pour accueillir les "condoléances" de tous ceux qui voulaient y croire encore …

C’est vrai que l’on dit dans gournah - et même ailleurs - qu’il a bien négocié son départ, qu’il a eu un nombre important d’apparts en compensation dans le new gournah. Mais franchement, la contrepartie est faible et me semble-t-il sans commune mesure avec ce qu’il a perdu. Hamdi s’est laissé pousser la barbe comme après un deuil.

Avec ses amis, ils ressemblent à des résistants dans un gournah dévasté …

Marie.Texte et Photos de Marie Grillot

Le Caire - 4 novembre 2008

l’Unesco protège l’héritage égyptien D’après des sources officielles, l’Unesco a ratifié son intérêt pour la protection des sites archéologiques qui font partie du patrimoine de l’humanité, principalement en ce qui concerne les zones des temples de Louxor et Karnak .
Francesco Bandarin, directeur du centre mondial de l’Unesco a rencontré, au Caire, le chef du conseil suprême des antiquités (sca) d’Egypte, Zahi Hawass, afin de discuter des efforts de coopération et des progrès qui doivent être menés pour protéger le patrimoine historique du pays principalement les monuments situés au sud de Louxor, incluant aussi l’avenue des sphinx, la zone ouest et le vieux Gournah
L’Unesco a décrit le projet de mise en valeur de cette région comme un modèle pour tous.
La restauration de 25 maisons du vieux Gournah en fait partie.

Guetteur dans gournah déserté - M.Grillot Avril 2009

Source : Prensa Latina - Envoyé par Marie Grillot

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Commentaires

  • Christian Kitzinger
    je viens d'apprendre cette démolition de El Gournah et mon coeur pleure.
    j'y suis allé plusieurs fois. j'ai bien sûr photographié. J'ai flâné là. J'ai lié amitié avec Ahmed ( taxi, petit train, a travaillé sur les plantation de canne à sucre, etc)
    J'ai séjourné aussi à l'hôtel Amon El Gesira ? J'y ai vécu le festival de musiques sacrées, c'était en 2001, etc. etc.
  • maryline
    • 2. maryline Le 13/11/2011
    Bonjour à vous tous,
    je suis étudiante en école d'architecture et je prépare un mémoire de recherche sur la construction en terre.
    Je souhaiterai dans ce mémoire retracer l'histoire de cette citadelle de Gournah.
    pouvez-vous m'en dire un peu plus, me donner des infos, ou m'envoyer vos mails pour prendre contact et me donner par la suite toutes les histoires raccrochées à ce village.
    Je vous remercie.
  • françoise morat
    • 3. françoise morat Le 19/09/2009
    depuis plusieurs années, j'aime passer du temps sur la rive ouest de louxor et j'avais énormément de plaisir à trainer à gourna et déjeuner de kefta et de beignets d'aubergine chez snake. Quand on voit le nombre de tombes trouvées mais non fouillées,gourna aurait pu avoir de beaux jours devant elle mais allez voir ce qu'ils ont fait à l'arrivée du ferry ça "vaut" le déplacement
  • Pascal - Administrateur du site
    Gérard, Sur ce site nous ne faisons pas de hit-parade de la misère, l'expropriation de Mohamed Snake est tout aussi déplorable que les autres expulsés de Gournah. Amicalement Pascal
  • louxoregypte.be
    Quand vous saurez comment a été financé son "hôtel" détruit, qui a été arnaqué et de combien, qui il a tenté d'arnaquer, et ce que celalui a réellement coûté vous aurez la confirmation que "bien mal asquis ne profite jamais".
    Cessez de pleurer sur lui, il y en a bien d'autres qui sont vraiment [u][/u]à plaindre.
  • Sarathebes
    • 6. Sarathebes Le 06/05/2009
    Oui Mohamed Snake a tres bien negocie son depart et s'en sortira. Il ne faut quand meme pas oublier les centaines de personnes deplacees qui elles n'ont pas ete aussi bien dedommagees! Snake est un personnage et en a joue pendant des annees pensant que LUI serait epargne par ce desastre et il le savait bien avant de construire sa nouvelle extension............
  • Alain et Betty CHOQUET
    • 7. Alain et Betty CHOQUET Le 19/04/2009
    Si comme nous, vous êtes nostalgiques des villages de la colline Thèbaine laissez des témoignages photos sur tous les sites spécialisés pour qu'un maximum de personnes soit sensibilisé à ce problème.(Nous en avonslaissé sur "Panoramio". Ces photos seront également la mémoire de la vie des villages et de leurs habitants.
  • Sarathebes
    L'embleme de la resistance la guest house SENNEFER n'est plus............ elle est tombee sous les ''griffes'' des bulldozzer il y a une dizaine de jours.
    Mohamed Snake, comme a son habitude, semble quand meme avoir tres bien negocie son ''depart force'' et envisage deja de reconstruire un hotel-restaurant vers le nouveau Gurnah, il n'a donc pas perdu espoir.
    Il n'avait plus l'electricite depuis plusieurs mois cela devenait donc invivable.
    Gurnah est devenue un ''no man's land'' plus rien n'y est debout quelle tristesse!
  • Renato
    • 9. Renato Le 14/01/2009
    Sono un italiano che viene da 8 anni a vivere per un mese a Gournah e sono rimasto deluso nel vedere che sono state distrutte tutte le case davanti al Ramasseum, compresa la casa bianca di Abdel Rassoul.
    Ora il paesaggio non è più lo stesso mancano le persone con cui prima mi fermavo a parlare, i bambini che mi vendevano i cammellini di stoffa, i pick up pieni di donne sempre allegre che andavano a comperare il cibo.
    Cosa vuole fare il governo?
    Vuole trasformare Gournah in una Disney world ?
    Senza la popolazione Gournah non sarà mai più come prima !
    Fermiamo i bulldozer!!!

    Traduction du texte de Renato :

    Je suis Italien, cela fait 8 ans que je viens en Egypte. J'ai séjourné un mois à Gournah. Quel déception de voir qu'ils ont détruit toutes les maisons devant le Ramasseum, dont la maison blanche d'Abdel Rassoul.
    Maintenant le paysage est défiguré, Avant je m'arrêtai discuter avec les habitants de Gournah, les enfants me vendaient des draps de cammellinis, j'apercevais les femmes joyeuses en haut du village, maintenant ils ont tous disparus
    Que veut faire le gouvernement?
    Est-ce qu'il veut transformer Gournah en un Disneyland ?
    Sans la population Gournah ne sera jamais comme avant !
    Arrêtons les bulldozers!!!
  • marie
    • 10. marie Le 20/12/2008
    La "grande maison blanche" de la famille abdel rassoul a été détruite il y a 10 jours.
    Construite en 1880, elle avait été intimement liée à un certain nombre de faits touchant l'égyptologie.
    Voici comment le grand égyptologue John Romer retrace sa construction dans son livre "la vallée des rois" :
    "Les frères abdel rassoul avaient fait construire une nouvelle maison sur la colline de Gournah. C'est là, dans la cour protégée du soleil que se tenaient toutes les cérémonies importantes : réunions amicales, circoncisions, veillées mortuaires, fêtes religieuses". Wilbour y était venu à plusieurs reprises pour négocier l'achat de papyrus et c'est lui qui avait calligraphié une belle pancarte identifiant le nom du propriétaire "La nouvelle maison blanche, propriété des abdel rassoul".
    Rappelons que les abdel rassoul ont découvert deux cachettes de momies, l'une en 1870, la DB 320 appelée "cachette des momies royales" '(40 momies royales et beaucoup d'autres …) et la seconde, en 1881, vers Deir el Bahari, alors que mohamed abdel rassoul travaillait avec Grébaut. Dans cette seconde cachette appelée "bab el gasssous" (la porte des prêtres) "furent retrouvées 200 statuettes, un nombre impressionnant de papyrus et de stèles et les dépouilles de 160 prêtres".
    En 1883, l'égyptologue français Eugène Lefébure, ami du poète Mallarmé, travaillait avec Victor Loret au recensement des textes des tombes de Séthi Ier et Ramsès IV : "Comme ses prédécesseurs, il élut d'abord domicile dans la tombe de Ramsès IV. En hiver, la température pouvait y descendre en-dessous de zéro ; chassé par le froid, il ne tarda pas à abandonner la compagnie des pharaons pour la Maison Blanche des Abdel Rassoul".
    De ce "clan" qui, d'une façon, un peu "détournée" a joué un rôle dans l'histoire de l'égyptologie, John Romer a écrit :
    "Lors de mes séjours dans la vallée des rois, il y avait toujours un abdel rassoul prêt à m'accompagner dans les hypogées … Plus tard, notre mission recruta plusieurs membres du clan et chacun pu apprécier leur amabilité à l'égard des étrangers…".
    Il y a tant à raconter sur cette famille …
    Mais aujourd'hui, je ne peux que m'inquiéter, notamment pour Rifaï : comment réussira-t-il à vivre ailleurs ???

  • christiane
    • 11. christiane Le 08/10/2008
    essayons d'être solidaires avec ceux qui restent, qui s'accrochent, au moins par un sourire,une petite poupée achetée... le nouveau village est "moderne", mais pas de place pour le petit bétail, et loin du passage de ceux qui se rendent sur les sites. Je crains cependant que le pot de fer aie raison du pot de terre... et que Z. Hawass, grand prêtre national, s'en moque un peu...

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